Posté par G. Ngoyo-Moussavou, le 28 août 2024
Par Ngoyo Moussavou *
Directeur général de la Sonapresse (société éditrice du journal L’Union), Albert Yangari cumulait cette fonction avec celle de directeur de cabinet privé du chef de l’Etat Omar Bongo Ondimba. Ce qui n’était pas rien et de tout repos, surtout pendant ces années 1970-1980 du règne du monopartisme et du bongoïsme triomphant. Lorsqu’il devait s’absenter, c’était Pierre Célestin Ndong Ondo, directeur de la rédaction, décédé le 13 août 2024 dernier, qui gardait la maison. Pierre Célestin Ndong Ondo est le premier journaliste gabonais à avoir occupé ce poste très stratégique à l’époque. Il fait partie de la première génération des journalistes nationaux à prendre les rênes du journal L’Union fondé en 1973, sous la forme hebdomadaire, avant de devenir quotidien le 30 décembre 1975.
Il est utile de rappeler qu’à la création de L’Union, faute de journalistes de presse écrite formés, le Président de la République Omar Bongo avait dû recourir à la coopération française qui affecta la ressource humaine spécialisée qui faisait défaut. C’est donc des journalistes français qui lancèrent les premières éditions du journal physique national, à l’image du Soleil au Sénégal, de Fraternité Matin en Côte d’Ivoire et de Cameroon Tribune au Cameroun. Les premiers journalistes gabonais spécialisés en presse écrite ayant été formés entre-temps, la rédaction du quotidien national fut « gabonisée » au fur et à mesure.
Pierre Célestin Ndong Ondo porte beau, comme on disait autrefois, il plait aux femmes, il a un bon sens de l’humour et il est très sociable. D’un grand professionnalisme et d’une grande culture, son énergie est débordante, il est doué, c’est une bonne plume qui dirige la rédaction du journal L’Union au doigt et à l’œil. Exigeant voire parfois sévère, avec lui les articles rédigés doivent être parfaits sur le fond tout comme sur la forme. Bref, il est d’une grande rigueur dans la valorisation des informations publiées dans un contexte de parti unique, où la moindre erreur, la moindre incartade qui déplaît en haut lieu vous vaut la sentence du couperet.
Le billet humoristique « Makaya », rare fenêtre de liberté d’opinion de L’Union à cette époque là, a le courage de dénoncer les abus et errements d’une bourgeoisie affairiste naissante, composée en majorité de la classe politique du moment enivrée par les revenus du boom pétrolier. Cette dernière, quand elle n’écume pas les palaces de la Côte d’Azur (France) ou de la Riviera italienne (Italie), se retrouve chaque week-end à la célèbre boîte de nuit du front de mer « La Maringa », pour sabler le champagne (jus d’Okoumé) en galante compagnie. Ulcéré par les critiques de « Makaya », un de ces nouveaux riches, ministre de son état, n’hésita pas à traiter en plein conseil des ministres les journalistes de L’Union de « révolutionnaires marxistes », non sans demander la dispersion de l’équipe rédactionnelle et la suppression du billet quotidien.
Pierre Célestin Ndong Ondo a piloté la rédaction de L’Union dans cette période sensible, avec beaucoup de finesse et de réussite, en se faisant un point d’honneur de la faire rayonner dans un contexte où politiquement, la liberté de la presse était loin d’être un droit constitutionnel. Il est avec Albert Yangari l’un des grands pionniers qui ont porté sur les fonts baptismaux le quotidien national L’Union. Les deux ne sont plus de ce monde. C’est pénible de voir la mort frapper des personnes qui ont marqué votre vie, surtout professionnelle, des coaches, des mentors qui vous ont aidé à vous construire, à la force du poignet et de la plume, ce qui est mon cas, par leur encadrement et leurs conseils avisés.
Pierre Célestin Ndong Ondo, je l’ai déjà dit et redit, fait partie de la première équipe dirigeante 100 % gabonaise du quotidien L’Union, aujourd’hui presque totalement décimée. Je suis de la deuxième génération des « écrivaillons » de L’Union. Je ne peux pas ne pas désormais regarder l’éventualité de la mort en face, surtout que ces derniers temps, j’ai vu tant de proches s’en être allés pour l’éternité. Celle de Pierre Célestin Ndong Ondo ne vient-elle pas sonner l’hallali de la mienne ? On se soulage avec la croyance aux « forces de l’esprit » dont parlait François Mitterrand, nonobstant le fait que « nous vivons dans un monde où la question de la mort effraie ».
Chapeau bas, Pierre Célestin Ndong Ondo pour ta carrière journalistique et pour tout ce que tu as donné au journal L’Union. Adieu cher aîné, tu as ébloui notre rédaction de ta classe, de ton charisme et de ton talent. Tu resteras à jamais dans le cœur de la grande famille du quotidien national L’Union.
(*) Ancien directeur du journal L'Union
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28/08/2024 à 17:47
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